Fragment, roman
EAN13
9782709630719
ISBN
978-2-7096-3071-9
Éditeur
Lattès
Date de publication
Collection
ROMANS ETRANGER
Nombre de pages
370
Dimensions
22,5 x 14 cm
Poids
496 g
Langue
français
Langue d'origine
anglais
Fiches UNIMARC
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Fragment

roman

De

Lattès

Romans Etranger

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21 août 1791?>« Mon capitaine, le quartier-maître Grafton tente d'envoyer un homme à terre.– Qui a-t-il choisi, lieutenant Eaton ? »À trois cents mètres de la paroi rocheuse qui ceignait l'île, le HMS Retribution roulait sur une forte houle qui l'éloignait du rivage. La corvette était à la cape, ses grandes voiles grises la poussant en sens contraire du courant, pour lui permettre de maintenir sa position. Au nord s'amoncelait une barre de nuages noirs que le maître timonier surveillait d'un œil inquiet.Sur le pont, une poignée d'hommes regardaient en silence la chaloupe accoster à la falaise. Certains marmonnaient des prières. La haute muraille de pierre que le soleil déclinant illuminait de ses rayons ambrés était fendue d'une longue brèche bleuâtre, haute de quelque deux cents mètres.La corvette Retribution, ci-devant baptisée l'Atrios, était un bâtiment pris aux Français. Depuis plus de dix mois, le capitaine Henders et son équipage parcouraient le Pacifique sur les traces du HMS Bounty. L'amirauté britannique, qui ne voyait aucun inconvénient à faire main basse sur des navires appartenant à d'autres nations, avait toujours eu la rancune tenace dès qu'il s'agissait des siens. Cinq années avaient passé depuis que les célèbres mutinés avaient pris la fuite sur le Bounty, mais la Marine Royale n'avait toujours pas renoncé à les pourchasser.Le lieutenant Eaton stabilisa sa longue-vue, dont il fit coulisser les cylindres de laiton pour faire le point : Grafton et ses huit hommes avaient amené la chaloupe juste sous cette fissure géante qui fendait la falaise de haut en bas. Eaton apercevait le bonnet rouge du matelot qui allongeait le bras pour tenter de trouver une prise et de s'y hisser.« Il me semble reconnaître Frears, mon capitaine », fit-il.La brèche s'ouvrait à cinq mètres du creux des vagues et continuait ensuite en zigzaguant dans la muraille de roc sur plusieurs centaines de mètres, telle une grande balafre verticale qu'on eût dit taillée par un éclair. La corvette avait dû contourner toute l'île, ou presque, avant de découvrir cette faille dans son armure.En dépit de l'insistance du capitaine qui les envoyait explorer toutes les îles qu'ils rencontraient, en quête de signes de survie de l'équipage du Bounty, c'était un problème autrement plus pressant qui se posait aux hommes du Retribution : il n'était pas tombé une goutte de pluie depuis cinq semaines. Ils espéraient donc, avant tout, trouver de l'eau. Les mutinés étaient passés au second plan.Tout en feignant de vaquer à leurs tâches, les 317 matelots du Retribution priaient pour que leurs camarades puissent remplir quelques tonnelets et gardaient un œil sur la chaloupe – laquelle se contentait pour l'instant de danser sur les vagues, tandis que les hommes repoussaient la paroi rocheuse du bout de leurs rames pour la maintenir à distance. Au sommet d'une vague, l'homme au bonnet rouge sauta pour s'accrocher au rebord inférieur de la fissure et parvint à s'y suspendre, alors que la chaloupe redescendait avec la houle.« Frears a trouvé une prise, mon capitaine ! »Une timide ovation s'éleva sur le pont.Là-bas, les matelots lancèrent quelque chose à Frears.« Ils lui jettent des tonnelets à remplir...– Remercions la divine Providence, capitaine Henders ! fit le révérend Dunn, l'aumônier du bord, qui s'était embarqué sur le Retribution pour se rendre en Australie. Elle nous a conduits vers cette île pour que nous la découvrions. Comment expliquer sinon que le Seigneur l'ait placée si loin de tout... ?– Certes, révérend. Tâchez de sonder de votre mieux les voies du Seigneur, répliqua le capitaine en plissant les yeux, le regard toujours rivé à la chaloupe. Comment s'en sort notre homme, lieutenant Eaton ?– Il est passé ! »Au bout d'une interminable minute qui leur mit les nerfs au supplice, Eaton vit finalement un bonnet écarlate émerger de l'ombre. « Il nous fait signe... Il semble avoir trouvé de l'eau, capitaine ! Il en a déjà rempli un tonnelet... »Depuis l'échancrure rocheuse, l'homme au bonnet rouge jeta une petite barrique à ses compagnons.Eaton glissa un coup d'œil blasé vers son supérieur puis, comme une grande ovation s'élevait de tous les ponts, la joie de ses hommes finit par lui arracher un sourire.Le capitaine sourit à son tour. « Eh bien, faites descendre quatre autres chaloupes à la mer, Mr Eaton. Et prévoyez une échelle. Nous allons faire le plein d'eau fraîche.– C'est la Divine Providence ! s'exclama l'aumônier. Nous avons été guidés par la main du Seigneur ! »Eaton porta à nouveau sa lunette à son œil. Depuis la brèche, Frears avait laissé tomber un deuxième tonnelet, que les matelots parvinrent à repêcher pour le hisser dans la chaloupe.« Il en a rempli un autre ! » annonça Eaton.Nouvelle ovation. Soulagés, quelques hommes descendirent à la cale pour en remonter des barils.« Le Seigneur est notre berger ! » déclara l'aumônier, avec un hochement de tête qui fit trembler le coussinet de graisse sur lequel reposait son menton.Le capitaine Henders eut un sourire indulgent. Ces derniers mois avaient été éprouvants pour le révérend, qui avait peine à s'adapter aux dures réalités de la vie à bord des navires de Sa Majesté.Sous sa crinière d'un roux flamboyant, Ambrose Spencer Henders avait des faux airs de l'amiral Nelson, le vainqueur de Trafalgar. « Une île de cette taille, sans le moindre brisant, sans même un oiseau ou un phoque ! » grommela-t-il, l'œil toujours rivé au rempart de roc où se jouaient d'étranges reflets. Dans la lumière déclinante, on aurait cru voir chatoyer des veines de roches colorées qui scintillaient, comme pailletées d'or. Il avait fait sonder les fonds autour de l'île, sans parvenir à trouver le moindre endroit où accrocher leur ancre, détail en soi peu banal.« Eh bien, Mr Eaton, que dites-vous de cette île ?– Curieux endroit », fit le lieutenant.Il avait abaissé sa longue-vue, mais se hâta de la porter à son œil en apercevant Frears qui était tombé à genoux, au bord de la crevasse. Dans l'objectif grossissant, il le vit se pencher au-dessus de la corniche rocheuse et laisser échapper un objet – sans doute l'entonnoir de cuivre qui lui avait servi à remplir les tonneaux. L'ustensile rebondit sur la paroi de pierre avant de couler.Un éclair pourpre était apparu dans son dos. D'énormes mandibules rouges, surgies de la pénombre crépusculaire, qui se refermèrent sur lui, enserrant sa tête et sa poitrine comme dans un étau, et le happèrent en arrière. À cet instant, le Retribution s'enfonça dans un creux qui déroba le matelot à la vue d'Eaton.De la falaise leur parvenaient des cris, étouffés par la distance.« Mon capitaine !– Eh bien, lieutenant ? Qu'y a-t-il donc ?– Je n'en sais trop rien, mon capitaine... »Eaton tâcha désespérément de stabiliser sa longue vue, malgré la houle qui faisait tanguer le pont sous ses pieds. Entre deux vagues, il vit un second matelot s'agripper au bord de la fissure, s'y hisser tant bien que mal et s'avancer à quatre pattes dans la brèche.« Ils ont envoyé quelqu'un d'autre ! »Un autre rouleau vint lui cacher la scène et, un moment plus tard, le navire se cabra. Eaton eut juste le temps de voir le deuxième homme sauter du haut de la crevasse.« Mais que se passe-t-il, sacrebleu ! fit le capitaine Henders, en tirant de sa poche sa propre lunette.– Il a sauté... les hommes le hissent dans la chaloupe... ils ont remis le cap sur nous, mon capitaine... Ils s'en reviennent en toute hâte ! »Eaton abaissa sa longue-vue sans quitter la brèche du regard, hésitant à croire ce qu'il avait vu.« Et Frears ? Est-il sauf ?– Je ne sais pas, mon capitaine, mais j'en doute.– Que lui est-il arrivé ? »Le lieutenant secoua la tête, l'air désemparé.L'équipage de la chaloupe souquait ferme pour rejoindre le Retribution. L'homme qui avait sauté à la mer restait affalé à la poupe de l'embarcation, comme terrassé par un soudain malaise, tandis que ses camarades s'efforçaient de le calmer.« Bon Dieu, qu'avez-vous vu, Mr Eaton ?– Je ne saurais le dire, mon capitaine. »Henders abaissa sa longue-vue pour lorgner son second d'un œil noir. À bord de la chaloupe, qui approchait à vive allure, les hommes leur criaient quelque chose.« Et vous, mon r...
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