Petite fleur de Mandchourie

Un soir de 2007, dans une des hautes tours de Shanghai, Fei, 27 ans, voit dans son bureau une étrange apparition. Un petit cochon noir, l’œil droit cerné d’une tache rose, la regarde, assis sur son minuscule derrière. Panique. Elle semble la seule à le voir. Souffrirait-elle d’une maladie du cerveau ? Ces hallucinations sonneraient-elles le glas de sa courte existence ? C’est pour Fei l’occasion de nous raconter son stupéfiant destin… Deuxième-née d’une famille déchue par la Révolution Culturelle, Fei est déclarée à une fausse date de naissance par sa mère pour éviter l’amende liée à la loi sur l’enfant unique. Extrêmement pauvres, ses parents sont cependant dévoués à leurs enfants, et même plus que dévoués comme le révélera l’avenir puisqu’un jour ils vendront tous leurs biens, de l’appartement aux bijoux, pour que Fei puisse quitter la Chine. Alors que son frère reçoit son éducation de leur grand-père, Fei n’a pas le droit d’écouter les leçons. D’être ainsi rejetée du savoir parce qu’elle est une fille et « ne compte pas » éveille chez elle un profond sentiment d’injustice. Fei se jure très tôt de donner aux petites filles comme elle tous les livres qu’on leur interdit à la maison. L’ouverture du pays au monde capitaliste décidé par le parti communiste dès le début des années 1980 crée une Chine qui se développe à toute vitesse. À la grande incompréhension de sa famille et au péril de sa vie parfois, Fei rejette le chemin tout tracé qui lui est offert, le gentil mari fonctionnaire, et se lance seule, à 19 ans, sur les chemins escarpés qui l’amèneront un jour à Paris.