Am Fred B.

Suivi de : Penser comme une montagne

Payot

8,00
Conseillé par
13 août 2019

Un vrai défi auquel nous invite ce pionnier de l’écologie américaine.

« Penser comme une montagne » : un vrai défi auquel nous invite ce pionnier de l’écologie américaine.

Leopold a été forestier puis professeur à l’université du Wisconsin. Il a acheté en 1935 une ferme abandonnée qui a été pour lui et ses élèves un terrain d’expérimentation, d’observation et de reconstruction de la nature. Ses textes, publiés dans des revues dans la première moitié du XXe siècle, sont nourris de son expérience et de sa culture scientifique et technique : il évoque sans manichéisme les premières lois de protection des sols et de la faune, la raréfaction des espaces sauvages, le développement du tourisme de plein air grâce à l’automobile.

Ces textes gardent aujourd’hui toute leur résonance, unis par un regard aiguisé, plein d’humour et de poésie, et un sens du récit qui en font souvent de petits bijoux. On lira par exemple avec plaisir et intérêt « Un bon chêne », qui remonte le temps en suivant les cernes d’une bûche de chêne flambant dans la cheminée : tout Leopold est là, un bûcheron philosophe, à la Thoreau.

À ces qualités d’observation et de réflexion il faudrait joindre une valeur essentielle : l’amour - de l’être humain, de la Nature, d’une communauté et de son milieu. « L’éthique de la terre », dans une langue très simple, cherche à esquisser les bases d’une relation entre les hommes et la nature, relation pervertie par les intérêts économiques, et qui ne peut « exister sans respect, amour et admiration pour la nature ». Ce texte se veut « un guide qui aide à faire face à des situations écologiques si inédites ou si complexes que l’individu moyen ne parvient pas à distinguer la voie de l’intérêt social » … ambition qui semble tout à fait valable pour notre XXIe siècle !
Cette communauté, Leopold la met en scène dans le beau texte « Penser comme une montagne » : c’est-à-dire apprendre à raisonner, comprendre, éprouver de manière globale.

Frédéric

Conseillé par
8 juin 2019

Le ciel est toujours là qui creuse son chemin

Supervielle, c'est d'abord une voix qui me touche : une voix qui se confie, une voix qui appelle au dialogue, qui invite d’autres voix. C'est à nous qu'il parle, et tout est dans cette simplicité qui permet une proximité.

Le poète est celui qui plonge, et emporte son lecteur avec lui : « Je ne vais pas toujours seul au fond de moi-même (…) Je me fais des amis des grandes profondeurs ». Plongée dans l’océan ou dans le ciel, où les étoiles sont nos confidentes (il faut lire le merveilleux « Attendre que la Nuit… » !). Quand on plonge dans ce monde intérieur, il s'élargit au monde entier. Dedans, dehors, nuit et jour, ici et ailleurs sont un seul et même monde : en tout cas, la poésie y travaille.

La force de Supervielle, c’est ce beau désir de communication et de communion, désir de rejoindre. On sait d’où vient cette recherche éperdue et mélancolique : de la mort des parents lorsqu’il avait huit mois, de l’Uruguay lointain, du déracinement ; du sentiment de n’être pas à sa place. Mais il en fait un mouvement universel, d’une merveilleuse ampleur. Battements du cœur, flux et reflux de l’eau, course des chevaux et du soleil, portes qui s’ouvrent sur l’inconnu, voix qui appellent, gestes et pas : les « amis inconnus » de Supervielle nous accompagnent aussi.

Frédéric

Vivre sans témoin

Autrement

10,00
Conseillé par
30 mai 2019

Eloge de la nuit

C'est un livre de philosophe et d'écrivain, qui creuse son sillon avec acuité et sensibilité, en compagnie de réalisateurs, de philosophes, de poètes : Fellini, Supervielle, Platon, Jean Eustache, Descartes, Rousseau, Fitzgerald...

De l'antiquité romaine à Las Vegas, d'une boite de nuit berlinoise à l'infini de la nuit étoilée, de l'obsession de la transparence à la fascination pour le clair-obscur, ce livre fait l'éloge de "l'indistinction nocturne", et nous rappelle que, même en plein jour, "l'homme est un être capable d'éclipses".

Le conseil de Frédéric

Conseillé par
21 mai 2019

Une langue maitrisée, libre et inventive

Rares sont les écrivains dont la voix est reconnaissable dès les premières lignes ; Antonio Lobo Antunes est de ceux-là. Une voix qui parle vraiment, souple et ondoyante, avec son souffle propre : rythme ample, qui s’emballe lorsque l’urgence est là, ou se permet des pauses - jamais très longues puisque l’auteur a banni le point.

Ce fleuve emporte dans sa course quelques pierres : un Portugais hanté par ses années de guerre coloniale en Angola, son fils adoptif ramené d’Afrique, sa femme, sa fille et sa belle-fille. Tous en route pour la « tue-cochon », dans un village reculé. Nous entendrons leurs voix, que l’auteur a mêlées en un somptueux tissage, précis et subtil comme une marquèterie, une mécanique de précision. Souvent les voix et les époques se succèdent dans la même phrase, et pourtant le lecteur ne se perd pas, guidé par les leitmotive, les scènes obsessionnelles, les bouffées d’images puissantes qui surgissent à tout moment. Car à la violence de la guerre répond l’abattage du cochon, rituel dans la famille. Le réel trivial de ces vies modestes est sans cesse troué par les scènes du passé qui s’insinuent, par l’ailleurs, par les petites phrases ressassées parce qu’elles ont marqué l’esprit. C’est hier, c’est maintenant, le temps fait des boucles ; rien ni personne n’est jamais là où il faudrait, quand il faudrait - et en ce sens c’est aussi un roman plein d’humour et d’absurde.

De même que l’épopée angolaise ne fut qu’une boucherie grotesque, comme l’auteur l’a vu de ses propres yeux et souvent raconté - de même ce fleuve puissant nous emmène vers un sacrifice tragique. Et la langue maitrisée, libre et inventive d’Antonio Lobo Antunes (et de son traducteur) nous accompagnera longtemps après les derniers mots du livre.

Coup de cœur de Frédéric

Poèmes choisis, 1965-2010

J'ai Lu

8,90
Conseillé par
13 avril 2019

Certains jours la rivière est incompréhensible

Jim Harrison nous est surtout connu comme romancier, mais il n'a cessé d'écrire et de publier des poèmes. Ce recueil est un choix judicieux de poèmes publiés entre 1965 et 2010, un bel aperçu de sa voix inimitable, pleine d'autodérision et de gravité. Jim Harrison se coule dans des formes variées, comme une rivière suit son cours : haïkus (à la sauce Harrison!), suites de notations au fil de l'eau, poèmes en prose, portraits, souvenirs, dialogues ... Poésie zen, parce qu'il pratique cet art à sa manière depuis longtemps, non comme une religion mais comme une certaine façon de regarder le monde : "Cela me semblait pour moi la meilleure manière d'aller au cœur des choses". Les lynx, les corneilles, les cougars et les rivières lui sont à la fois très familiers et toujours autres. "Nous sommes ici pour être curieux et non consolés", dit-il dans le long et merveilleux poème "La fenêtre d'or".
Curiosité, avidité de voir, de toucher, de saisir et de goûter ce monde :
"Je crois à d'abrupts à-pics, à l'orage sur le lac
en 1949, aux vents glacés, aux piscines vides,
au sentier invisible menant à la rivière, à l'ail frais,
aux pneus usés, aux bars, aux saloons, aux tavernes,
aux litrons de vin rouge, aux fermes abandonnées ...
aux filles qui n'ont pas viré complètement barjot ..."